Equateur Info a rencontré la photographe équatorienne Isadora Re. Née à Quito, architecte de formation, elle a établi sa résidence à Paris depuis 2010, où elle a eu l’occasion d’exposer ses oeuvres à la maison de l’architecture, à l’ambassade de l’Equateur et a participé à l’exposition « Festivent » de la Turbale. Son travail actuel suit une triple orientation : photographie, architecture et graphisme.
Dans ses « portraits équatoriens », Isadora Re met à l’honneur la femme équatorienne, tout en abordant un sujet de taille, celui de la migration, que l’Equateur connait hélas fort bien, puisque ce phénomène l’a fortement touché au cours des dernières années.
Isadora a voulu rendre hommage aux femmes que le destin a menées loin de la tierra siempre verde, décrite par Jorge Carerra Andrade, peut-être par le fait que le voyage et la séparation renforcent paradoxalement le sentiment d’appartenance, le sens des origines, l’identité qui se consolide face à l’altérité.
Votre série se nomme « Retratos ecuatorianos ». Pourquoi ?
Notre série de Retratos ecuatorianos voudrait parler de migrants, d’enfants de migrants, de personnes pouvant se définir par leur provenance plus ou moins directe de l’Équateur. Le portrait du migrant est souvent placé dans une tension entre diverses dimensions : anthropologique, documentaire, simplement factuelle, voire même narrative ou fictive.
Retratos ecuatorianos cherche en revanche à parler de migrants en les regardant depuis le simple point de vue de leur existence, sans qu’aucune épithète ne leur soit apposée. Car le migrant, avant d’émigrer ou d’immigrer, existe. Être équatorien(ne) est un dénominateur commun aux différentes personnes photographiées : quelque chose qui rassemble et n’oppose pas à d’autres, en dépit de tous les dispositifs discursifs censés cerner le fait migratoire.
Pourquoi des portraits féminins ?
Cette première série est consacrée aux femmes, mais le projet portera également sur d’autres groupes. Commencer par elles était important pour moi par le simple fait que je suis moi-même une femme. Le lien était plus aisé à tisser, la relation plus fluide, ce qui est agréable. L’aller-retour avec les modèles a peu à peu élaboré l’ensemble des images, m’a aidé à me situer dans l’opposition à ce que j’appellerais la photographie narrative.
Quelle image cette série de portraits fixe-t-elle dans la mémoire ?
S’il s’agit bien d’un projet de portraits, le portrait n’y occupe pourtant pas tout l’espace. Je ne veux pas raconter d’histoires. Simplement, enregistrer un moment particulier, celui où la photographie devient le lieu du croisement entre la personne représentée, celle que je vois et celle que le spectateur voit en voyant sa photographie.
Sa mémoire est faite des tensions entre plusieurs dualités : le je et l’autre, le documentaire et la fiction (et leurs esthétiques respectives), l’être migrant et l’être (sans autre qualificatif). Le choix du noir et blanc et la possibilité de renverser les images sont pour moi la réponse formelle à cette mise en tension des photographies.
D’où le mélange entre plastique et photographie ?
C’est sans doute l’effet d’une déformation professionnelle : un mélange entre photographie, design et réflexion spatiale. Esthétiquement parlant, ma recherche est celle d’un portrait qui se trouverait entre réel et fiction, entre empathie et abstraction, entre identification directe – avec le sujet, ses gammes de gris, ses attitudes, ses poses, ses sensations – et contextualisation abstraite – dans un monde tridimensionnel créé de toutes pièces, un brin surréaliste et que l’on pourrait néanmoins retrouver dans les recoins de chaque maison.
Cela met très en avant la lutte contre le féminisme, je trouve. Mais en tant que femme, je dirais que c’est une bonne chose. Ainsi, on pourrait enfin souffler par rapport aux discriminations qu’on subit.
Merci beaucoup pour ce joli portrait, je vous avoue que je ne connaissais pas du tout aucun chanteur originaire de là-bas. Mais ça a été un plaisir en tout cas. Vous avez des talents fabuleux chez vous.