Alice Goy Billaud a 29 ans. Elle a étudié la langue hindi et a vécu en Inde. Elle a étudié le chinois et voulait vivre en Chine, mais c’est l’Équateur qui l’a accueillie. Catherine Marti a 39 ans, elle est mariée à un guayaquilénien et c’est la mère de Samuel et Nicolas. C’est après des études de Lettres modernes qu’elle a commencé à être professeur de français au Sénégal. Depuis, elle a toujours travaillé dans le cadre de projets socio-culturels et a longtemps été animatrice de centres culturels dans la banlieue de Lyon. Silvana Pavlovic, 41 ans, a grandi à Paris. Elle est issue de l’immigration balkanique et parle serbe avec sa mère. Après un master de biochimie moléculaire et 12 ans dans l’industrie pharmaceutique, elle a commencé à donner des cours de FLE à un public de migrants… Toutes trois ont créé un centre culturel franco-équatorien : Hola France.
Bonjour Alice, d’où vient l’envie de créer Hola France ?
Hola France, c’est l’envie de faire découvrir notre langue car c’est un peu notre métier mais c’est aussi le besoin, avec des années passées loin de notre culture d’origine, de créer un véritable dialogue avec la culture adoptée. Partager aussi ce qu’on est, loin des stéréotypes de nos origines: Paris avec une famille Serbe, Lyon avec des accents d’Afrique, Montpellier avec des envies d’Orient.
Comment est-née l’idée ?
On a fait pas mal de réunion dans des cafés, dans nos jardins et terrasses respectives afin de trouver un nom, dessiner un logo avant de se fixer une date pour notre soirée de lancement : le 18 octobre. Ca n’a pas été facile parce que c’est la première fois qu’il y a une initiative de ce genre à Guayaquil. Notre amie Océane, arrivée elle aussi en 2014 et tombée amoureuse d’un guayaco, est venue chanter son répertoire franco- tropical dans le patio de l’hostel Nucapacha (Urdesa), au bord de la piscine et sous les manguiers. Plus de 70 personnes étaient présentes. Puis on a dû trouver un endroit pour commencer à donner des cours. La compagnie de danse En-Avant avait deux salles à louer au premier étage. On a trouvé ça encourageant d’apposer notre nom au leur. En avant Hola France ! Pour le futur, on rêve d’une grande maison, avec un jardin où on planterait des herbes aromatiques, des plantes tropicales et des arbres fruitiers en tout genre. On pourrait enfin ajouter la cuisine à la liste de nos ateliers interdisciplinaires (on a déjà commencé avec chant et photo en français) car car notre pédagogie est basée sur le “faire”. Ce serait notre maison interculturelle.
Que proposez-vous ?
Concrètement, on donne des cours de français, on s’adapte aux personnes selon leur profil, et on organise des rendez-vous mensuels culturels. En novembre 2018 on a mangé une fondue au
restaurant suisse de la ville. En décembre, on a fait écrire des lettres au Père-Noël à des adultes. On a également projeté Santa et Cie, le dernier film d’Alain Chabat, et on a expliqué l’importance du Père Noël est une ordure par le biais de notre fanzine Miradas Cruzadas – Regards Croisés, une publication indépendante bimensuelle avec des textes bilingues où l’on fait découvrir des artistes d’ici et de là-bas comme le photographe Bruno Roy, le rockeur Luis Rueda, et deux illustratrices: la française Alice Bossut et notre jeune graphiste guayaquilénienne Alisa Pincay.
Pourquoi Guayaquil ?
Guayaquil a un charme discret qui se découvre avec le temps. On ne parle pas du Malecón 2000, ni du quartier coloré de Las Peñas, ni du phare depuis lequel on voit la ville, non, on parle de ce que les touristes ne connaissent pas : les huecos y huecas (petits bars un peu cachés et boui-bouis de nourriture locale), les gens surprenants, le temps qui s’étire, le climat qui bouillonne. Certains diront qu’on est un peu folles mais on aime ça, nous : partager une bière fraîche après une bonne journée de nos deux ou trois boulots sous 40°C, se balancer dans un hamac ou encore manger des encebollados (soupe de poisson) au petit matin. On adore !
Comment est-ce de vivre à Guayaquil et d’y promouvoir la culture française ?
Être français et vivre à Guayaquil, c’est accepter les horaires pas toujours respectés, les gens qui acceptent une invitation mais ne viennent pas mais aussi les gens qu’on ne connaît pas et qui offrent leur aide sans condition. Pour Silvana, Guayaquil c’est le lieu où il est possible de se réinventer. Elle aime marcher et malgré les avertissements des gens qui lui conseillent de ne pas le faire, d’autant plus qu’elle est une femme et que selon les Guayaquiléniens, c’est plus risqué, elle fait sa têtue depuis le début et connaît maintenant les raccourcis de sa nouvelle ville d’adoption et son béton brûlant. Pour Alice, Guayaquil a un grain de folie qui lui va bien, moins terrible qu’en Inde où elle ne pouvait même pas faire de vélo. Pour Catherine, être française à Guayaquil c’est relativiser: un équilibre entre ses deux cultures. Ensemble, elles retrouvent l’essence de la culture française: l’humour, l’ironie, le sarcasme et la nourriture, et ce qu’elles préfèrent, c’est le partager.
En bref, Hola France, c’est un condensé de ce qu’on préfère dans chacune de nos deux cultures: le meilleur de la France et de Guayaquil !
Elles ont eu un parcours très remarquable, si j’ose dire. Et je félicite leur initiative, car cela permet de rapprocher les gens davantage, n’est-ce pas ? Je ne vais pas manquer de visiter leur centre culturel quand je serais là-bas.
Mon prof d’histoire m’a dit souvent « pour ne pas heurter la culture de l’autre, il faut la comprendre, et pour la comprendre il faut aller voir son quotidien ». Enfin, je comprends maintenant ce qu’il voulait me dire.
C’est tellement facile pour elles d’agir de la sorte. On dirait qu’ils ont toujours fait ce genre de chose. Mais on doit savoir que les gens qui travaillent dans le domaine social comme ça possèdent une personnalité particulière, notamment la même que ces belles femmes.
J’ai passé plusieurs séjours en Équateur quand j’étais plus jeune, vous savez. Mais je n’ai eu qu’une seule occasion de visiter ce centre interculturel. Je me demande donc comment il a évolué en ce moment.
Tout comme ces belles dames, je suis aussi amoureuse de Guayaquil, mais je n’ai jamais pensé à faire ce genre de centre. Pourtant, c’est une excellente idée. J’aimerais bien visiter votre centre un jour.
Merci beaucoup pour le partage.
Ce sont des destinations que l’on connais très peu mais qu’ils peuvent nous apprendre tellement !